Polype de la vessie: qu’est-ce que c’est ?
On entend par polype de vessie, les tumeurs superficielles de la vessie.
Les tumeurs épithéliales (des tissus) de la vessie sont divisées en deux catégories en fonction de l’infiltration tumorale.
La paroi vésicale comporte un certain nombre de couches. Ces couches sont, de l’extérieur vers l’intérieur, de : la cavité vésicale, la muqueuse, la sous-muqueuse, la musculeuse superficielle, la musculeuse profonde, la graisse péri vésicale.
D’où viennent les tumeurs vésicales ?
Elles naissent à 95 % de l’épithélium vésical. Selon la profondeur d’extension, on distingue les tumeurs superficielles dont l’infiltration atteint la sous muqueuse sans la dépasser et les tumeurs infiltrantes atteignant au minimum le muscle superficiel. Ces tumeurs sont classées de Ta à T4 en fonction du niveau de la base d’implantation.
Stricto sensu, seules les tumeurs Ta limitées à la muqueuse sont des tumeurs superficielles, l’atteinte de la sous muqueuse étant déjà une infiltration.
Comment définit-on le polype ?
Cependant, des modalités cliniques, thérapeutiques et d’une certaine façon évolutives font regrouper dans la même catégorie les tumeurs superficielles vraies n’atteignant que la muqueuse et les tumeurs dont l’infiltration se limite à la sous-muqueuse. C’est ce qu’il est convenu d’appeler les polypes de vessie qui représentent 80 % des tumeurs épithéliales de la vessie. Ces tumeurs végétantes sont dans l’immense majorité des tumeurs malignes. Sont considérées comme bénignes, les tumeurs appelées papillome qui se caractérisent par l’absence d’infiltration de la sous muqueuse (Ta), la régularité de l’architecture, le caractère normal des cellules qui le compose. Ce papillome bénin, le plus souvent petit et isolé, ne représente que 5% des tumeurs superficielles. Toutes les autres sont d’authentiques carcinomes urothéliaux encore appelés épithéliomas para malpighien ou carcinomes à cellules transitionnelles, susceptibles d’évolution infiltrante ou de métastases.
Le second facteur pronostique des polypes de vessie est constitué par le degré de différenciation cellulaire allant du grade 1 (tumeur différenciée) au grade 3 (tumeur indifférenciée). L’appréciation de l’atteinte de la sous muqueuse, comme la différenciation cellulaire sont subjectives et demandent à l’opérateur une bonne orientation du prélèvement et au pathologiste une attention soutenue.
Malgré toutes ces précautions, une seconde lecture peut donner des résultats différents. En pratique, on peut considérer que les tumeurs Ta sont habituellement de grade 1 et 2 (G1 ou G2), les tumeurs T1 de grade 2 et 3 (G2 ou G3) témoignant d’une plus grande agressivité. Les tumeurs T1G3 représentent une catégorie particulière où le risque évolutif vers une tumeur infiltrante est majeure, en l’absence de réponse au traitement.
Quels difficultés et quelles récidives présentent-ils ?
Les polypes vésicaux sont plus ou moins gros, plus ou moins nombreux. Lorsqu’ils sont coalescents (soudés), on parle de polypose vésicale diffuse dont le traitement pose des problèmes techniques difficiles.
Le plus souvent, ils sont initialement localisés au niveau de la base vésicale. La récidive se fait à n’importe quel niveau de la vessie. Une récidive au même endroit doit faire craindre une exérèse incomplète.
Dans un certain nombre de cas, les polypes vésicaux sont associés à des lésions de carcinome in situ (CIS). Il s’agit d’un carcinome urothélial blanc, respectant la sous muqueuse avec d’importantes modifications cellulaires de type malin (cancéreux). Ces cellules ont tendance à desquamer et se retrouvent dans la cytologie (les cellules) urinaire. Elles peuvent être retrouvées au prélèvement (biopsie) vésical autour des lésions. Ces lésions de CIS aggravent le pronostic des tumeurs superficielles et nécessitent un traitement spécifique.
Polype de la vessie: comment le reconnaître ?
L’hématurie résume les symptômes des tumeurs de vessie.
L’hématurie (présence de sang dans les urines) est le maître symptôme des tumeurs superficielles de vessie. Elle est présente dans 95 % des cas. Elle est le plus souvent isolée, c’est-à-dire sans explication particulière concernant son déclenchement, sans symptomatologie d’accompagnement, en particulier douloureuse. Elle survient de manière capricieuse et s’arrête de façon imprévisible. Typiquement, l’hématurie d’origine vésicale est terminale, c’est-à-dire survenant à la fin de la miction. Elle peut de plus être à renforcement terminal, plus marquée à la fin de la miction. Ces caractéristiques affirment l’origine vésicale et imposent une exploration spécifique du réservoir.
L’hématurie peut être totale, n’apportant aucun renseignement sur la localisation. Là encore, l’origine vésicale est la plus fréquente et justifie le contrôle endoscopique en cas d’exploration radiologique négative.
De toutes façons, ni l’importance du saignement, ni sa durée n’ont de signification pronostique sur le volume ou la nature du polype qui en est responsable.
La gravité de l’hématurie
Si l’hématurie est très abondante, elle peut entraîner la présence de caillots au niveau de la vessie, responsable de rétention. Dans ce cas, il est nécessaire, non seulement de réaliser un sondage (la sonde étant rapidement bouchée par les caillots), mais un décaillotage vésical réalisé le plus souvent en milieu hospitalier dont le but est d’aspirer des caillots.
Le saignement peut se produire chez un patient sous anticoagulant (antivitamine K orale le plus souvent). Sauf dans le cas bien précis et rare d’un surdosage majeur en antivitamine K qui se manifeste par un effondrement du taux de prothrombine à quelques pour cent et d’un tableau de saignement généralisé. Une hématurie, dans ces conditions, doit être considérée comme favorisée et non provoquée par le traitement et explorée comme une hématurie spontanée.
En l’absence d’urgence hémorragique ou obstructive, l’hématurie ne doit faire l’objet d’aucun traitement. La disparition spontanée du saignement coïncide alors avec une prise médicamenteuse pouvant conduire le patient à se croire guéri et à différer l’exploration nécessaire.
Enfin, l’hématurie peut être microscopique découverte par un examen d’urine. Cette éventualité n’est pas fréquente (moins de 5 %) mais justifie une exploration pour éliminer une origine urologique tumorale.
La seule exception à l’exploration systématique est la survenue d’une hématurie terminale chez une femme jeune présentant des signes de cystite aiguë, pollakiurie (augmentation du nombre de mictions), brûlure au moment d’uriner, pyurie (pus dans les urines) résolutive avec la fin de la symptomatologie inflammatoire.
A noter que si l’hématurie est le maître symptôme de toutes tumeurs de vessie, superficielles ou non, ses caractéristiques n’en permettent pas d’en préciser la nature. Les autres symptômes sont exceptionnels au stade de tumeur superficielle et font craindre une tumeur infiltrante : brûlure vésicale, douleur au moment de la miction, envie impérieuse d’uriner, douleur lombaire, infection, douleur pelvienne sont autant de signes évocateurs d’une tumeur infiltrante.
Polype de la vessie: quels examens para cliniques ?
Les examens para cliniques ont pour but de confirmer la présence de la tumeur, d’en évaluer la nature et après traitement initial d’en surveiller l’évolution.
L’exploration d’une tumeur superficielle de vessie ne sera pas complète sans une analyse anatomopathologique de la base d’implantation de la tumeur, geste chirurgical nécessitant une anesthésie. Par ailleurs, le taux élevé de récidive, 90 % sur 10 ans, impose un suivi de contrôle qui doit être à la fois performant et peu invasif. L’exploration initiale en matière d’hématurie reste l’échographie qui permet une bonne exploration des tissus des reins et de la cavité vésicale. Le polype vésical est visible comme une lacune bien visible à partir d’un centimètre, surtout sur les faces latérales.
Si le diagnostic de tumeur de vessie est confirmé par l’échographie, la constatation d’une rigidité de la paroi ou d’une dilatation urétérale fait craindre une tumeur infiltrante et justifie la réalisation d’un uroscanner (méthode d’exploration basée, comme la radiographie conventionnelle, sur les propriétés des rayons X) pour avoir en préopératoire un bilan d’extension aussi complet que possible.
En cas d’aspect faisant penser à une tumeur superficielle, un complément d’exploration par urographie est nécessaire pour vérifier l’intégrité de la voie excrétrice supérieure, une tumeur de haut appareil étant observée dans 10 % des cas de tumeurs de vessie.
La cystoscopie d’exploration n’est indiquée que s’il existe un doute sur l’état de la vessie, au terme de l’exploration d’imagerie. Elle se fait sous anesthésie locale chez l’homme, sans anesthésie chez la femme, avec un cystoscope rigide de petit calibre ou un fibroscope souple. Elle s’accompagne d’un prélèvement d’urine pour réaliser une cytologie urinaire adressée au laboratoire d’anatomopathologie, qui recherche dans les urines centrifugées, la présence de cellules de desquamation classées en trois catégories normales (1), douteuses (2-3), cancéreuses (4).
La cystoscopie, après remplissage vésical par un liquide transparent, permet une exploration soigneuse et complète du réservoir, en sachant qu’il existe des zones de vision réduite, nécessitant des artifices d’examen ; la zone péricervicale et le dôme vésical en particulier. Le bilan sanguin et cytobactériologie des urines sont des examens de routine qui n’apportent en général pas grand chose à l’établissement du diagnostic.
Polype de la vessie: quel traitement ?
La base du traitement est constituée par l’ablation d’une partie (résection) de la tumeur par endoscopie. C’est une résection par prélèvement qui enlève la lésion et en permet l’analyse.
La résection endoscopique est le traitement de base des polypes de vessie. Elle est réalisée sous anesthésie générale ou régionale. Elle est précédée d’une cytologie (analyse des cellules) urinaire. Elle commence par une exploration de toute la paroi vésicale pour repérer la totalité des tumeurs à réséquer. L’appareil utilisé est celui qui sert également à la résection de la prostate. Chaque étape de la résection est complétée par une hémostase (sensé stopper l’hémorragie) soigneuse pour permettre une bonne vision, seul garant d’une résection complète.
L’aspect de la tumeur, sa topographie, ainsi que le nombre des lésions sont soigneusement marqués. En cas de tumeur douteuse sessile (largement implantée) ou bourgeonnante, un prélèvement complémentaire est réalisé après avoir extrait par une poire d’aspiration les copeaux de résection vésicale, en vue de préciser le plus exactement possible, le degré d’une infiltration par une étude spécifique de la base tumorale.
La résection des tumeurs du dôme vésical sont plus difficiles en raison du champ de vision de résecteur à 30° de l’horizontale qui permet difficilement une bonne vision du dôme. D’autre part, l’évaluation de la base tumorale est plus difficile au niveau du dôme.
Dans la mesure du possible, la résection tumorale doit être complète, les résections itératives étant réservées aux très grosses tumeurs très étendues ou multiples où les conditions de vision se dégradent au cours de l’intervention rendant le geste aléatoire.
En fin d’intervention, les urines doivent être pratiquement claires sous peine d’apparition de caillots post opératoires.
Les complications opératoires
Les complications opératoires sont le saignement qu’il faut contrôler au maximum en attaquant la tumeur par sa périphérie et en coagulant toutes les sources de saignement et la perforation de la vessie. Cette perforation est quasi inévitable pour réséquer la totalité de la base tumorale, la vision de la graisse périvésicale étant la garantie d’une résection complète.
Elle n’a pas de conséquence au niveau de la base vésicale, surtout si la perforation est faite en fin d’intervention, sous drainage vésical. La guérison est alors la règle. Par contre, au niveau du dôme, une perforation s’ouvrant dans la cavité péritonéale entraîne une diffusion intra péritonéale du liquide d’irrigation et de l’urine, justifiant un drainage chirurgical. La résection d’un orifice urétéral non vu à cause de la tumeur, peut provoquer un reflux post opératoire, et exceptionnellement une sténose (fermeture). Ce reflux peut faciliter la greffe tumorale au niveau de l’uretère et du bassinet.
On peut compléter la résection par la biopsie au résecteur ou à la pince, de zones suspectes ou optiquement saines.
Pour éviter une possible greffe vésicale de cellules libérées par la résection, on peut injecter dans la vessie, après évacuation de son contenu, d’un produit laissé en place 20 minutes. La vessie est drainée en post opératoire pendant 48 h pour éviter tout risque de saignement. Celui-ci constitue la principale complication post opératoire, spécialement chez les patients dont l’état cardio-vasculaire impose une anticoagulation à dose thérapeutique.
Pratiquement, une tumeur Ta G1 ou 2 ne sera traitée que par résection endoscopique. Une tumeur TaG3 ou une tumeur récidivante agressive sera traitée par instillation complémentaire, ainsi que toutes les tumeurs T1 et les tumeurs comportant du carcinome in situ.
Actuellement, les deux produits utilisés sont le BCG et la mytomycine. Le BCG injecté dans la vessie, produit une réaction immunologique qui aura pour effet de réduire la fréquence des récidives et dans un degré moindre l’évolution vers une forme infiltrante. L’injection est faite sur une vessie cicatrisée pour éviter tout risque de passage systémique, au plus tôt trois ou quatre semaines après la résection, en l’absence d’infection vérifiée avant l’injection par ECBU (examen cytobactériologique des urines) ou bandelette urinaire. Typiquement, trois ampoules sont injectées par l’intermédiaire d’une sonde de petit calibre après un sondage aussi peu traumatique que possible dans une vessie vide, à garder deux heures en position couchée en variant la position. La vessie est évacuée par une miction spontanée à deux heures et une diurèse abondante doit être instaurée.
L’injection sera répétée toutes les semaines pendant six semaines. Une deuxième cure de trois semaines pourra être réalisée trois mois plus tard pour consolider les résultats.
La tolérance est variable. Lorsque les signes sont vésicaux, ils seront améliorés par des anti-inflammatoires, des anti-cholinergiques. Une véritable cystite par BCG peut nécessiter un traitement médicamenteux, une fièvre supérieure à 39° fait arrêter le traitement et prescrire une tri thérapie antituberculeuse pendant la durée des troubles. Le traitement sera repris en cas de justification majeure. Par contre, en cas de complication systémique, la durée du traitement antituberculeux sera de trois mois et le traitement par BCG thérapie interrompue.
La mitomycine réalise une véritable chimiothérapie de lavessie. Le traitement initial est réalisé selon les mêmes modalités que le BCG, après alcalisation des urines par eau de vichy. Il pourra être complété par une deuxième cure de six semaines.
L’amétycine semble mieux supportée (quelques scléroses ou calcifications vésicales) mais moins efficace que le BCG.
Le suivi
Le suivi des tumeurs superficielles de vessie est assuré par la cystoscopie et la cytologie urinaire.
Le premier contrôle sera réalisé environ trois mois après la résection. En l’absence de récidive, le contrôle se fera tous les six mois pendant cinq ans, une fois par an après la cinquième année. Les méthodes de surveillance simplifiées par échographie et bandelette réactive détectant des anomalies cytologiques paraissent moins performantes et ne sont pas à conseiller.
Le pronostic dépend du stade, du grade et de l’efficacité du traitement. Les tumeurs Ta récidivent une fois sur deux mais le plus souvent de façon superficielle. Seulement, 10 % évoluent vers l’infiltration. Les tumeurs T1 récidivent neuf fois sur dix, 60 % sous forme superficielle, 30 % sous forme infiltrante. Les tumeurs T1G3 récidivantes malgré la BCG thérapie ont un pronostic particulièrement mauvais et le traitement radical ne doit pas être exagérément retardé sous peine d’évolution irréversible.