Prostatites: qu’est-ce que c’est ?
La prostatite est une infection microbienne de la prostate. Lorsqu’elle est aiguë ou subaiguë (douloureuse brusquement ou moins brutalement), elle est facilement reconnue et traitée. Lorsqu’elle est chronique, elle est difficile à déceler et à traiter.
L’atteinte microbienne de la prostate se fait de façon aiguë essentiellement par voie ascendante ou hématogène (par le sang). Les germes classiquement retrouvés étaient le gonocoque de Neisser ou le staphylocoque doré.
Actuellement, dans la plupart des cas, il s’agit plus fréquemment d’entérobactéries (il en existe une vingtaine de genres différents et siègent dans le tube digestif), spécialement le colibacille, plus rarement le proteus ou d’autres bactéries comme le bacille pyocyanique (il touche souvent les sujets dont les défenses immunitaires sont affaiblies à cause d’un cancer, un diabète…).
Les infections pluri-microbiennes (dues à plusieurs microbes) ne sont pas rares.
L’identification du germe responsable
Cette identification n’est pas toujours possible, les urines restant stériles surtout en cas d’atteinte hématogène ou de traitement antibiotique insuffisant. Ce traitement, lorsqu’il est insuffisant, « décapite » parfois l’infection sans toutefois la guérir.
Les infections chroniques sont dues à une infection aiguë insuffisamment traitée (laissant subsister des micros abcès), ou à des infections répétées, en général dans le cadre d’une obstruction sous-vésicale.
L’infection peut atteindre la prostate par diverses voies : canalaire, hématogène, éventuellement lymphatique.
L’infection canalaire
Partie de l’urètre, l’infection se propage par les canaux excréteurs de la glande prostatique atteignant le tissu glandulaire puis le tissu interstitiel constituant de micro abcès.
L’infection peut être ascendante dans le cas des maladies sexuellement transmissibles comme la gonococcie où le germe après avoir provoqué une urétrite antérieure (inflammation de la partie antérieure de l’urètre communément appelée « chaude pisse »), atteint l’urètre postérieur et le carrefour prostato-génital.
Elle peut être descendante en cas d’obstruction sous vésicale à urine infectée, l’obstacle créant une augmentation de la pression mictionnelle génératrice de reflux d’urine infectée. Les germes en cause sont le plus souvent des entérobactéries.
Elle peut être iatrogène, provoquée par une manœuvre instrumentale par le médecin lors d’une endoscopie, une fausse route.
Dans tous ces cas, la complication possible est l’atteinte de l’épididyme par contamination à partir de l’ouverture dans l’urètre prostatique du canal déférent.
L’infection hématogène
A partir d’un foyer infectieux à distance, l’infection atteint d’abord le tissu interstitiel puis le tissu glandulaire. Elle est souvent favorisée par une infection virale de type grippale.
Elle peut survenir sur une prostate saine chez un adulte jeune ou sur un adénome de la prostate (adénomite ou augmentation de volume localisé de la portion centrale de la prostate entourant l’urètre). Dans ces cas, le germe reste souvent inconnu s’il ne franchit pas l’urètre.
L’infection par voie lymphatique
Peu fréquente, elle a été évoquée dans le cas d’infections dont le point de départ anal (ou autour de anus) s’étendant par la suite à la prostate.
Le plus souvent, l’inflammation reste localisée à la prostate mais ne devient pas purulente. L’apparition d’abcès est rarement suspectée par une prolongation du tableau infectieux malgré le traitement médical. Le drainage de l’abcès prostatique collecté est nécessaire sous peine de voir l’infection s’étendre à l’urètre ou aux tissus celluleux péri-prostatiques.
Prostatites: comment la reconnaître ?
En ce qui concerne la prostatite aiguë, les signes sont infectieux et urinaires.
Les signes infectieux
Ils sont nets : frissons, température du corps aux environs de 39° à 40°, courbatures, myalgies (douleurs musculaires). Parfois le tableau infectieux est d’emblée plus dramatique avec une altération de l’état général, chute de tension, état de choc en rapport avec une diffusion septicémique de l’infection par voie sanguine.
Les signes urinaires
C’est celui d’une pollakiurie (on urine anormalement souvent) avec dysurie (difficultés à uriner), impériosités, brûlures au moment de la miction. La dysurie peut être extrême et provoquer une rétention aiguë d’urine nécessitant un drainage vésical. Celui-ci sera de préférence réalisé par voie sus-pubienne afin d’éviter le passage d’un cathéter dans l’urètre susceptible d’aggraver la situation.
Des douleurs pelviennes
Ce sont des douleurs périnéales accompagnées d’une pesanteur d’épreinte (coliques et faux besoins d’aller à la selle) accompagnent les troubles de la miction.
L’examen clinique
Il peut mettre en évidence un écoulement urétral purulent, une urétrorragie (hémorragie de l’urètre) ou une hématurie (sang dans les urines). Le toucher rectal est le geste capital de l’examen mettant en évidence une prostate gonflée, régulière le plus souvent, tendue et surtout douloureuse à la palpation.
Une antibiothérapie
L’évolution sous antibiothérapie est le plus souvent favorable : la température revient à la normale, les douleurs disparaissent en quelques heures jusqu’à quatre jours, les difficultés mictionnelles s’estompent rapidement. Un certain degré de pollakiurie, des brûlures mictionnelles peuvent persister quelques jours après guérison de la phase aiguë.
Une épididymite aiguë
Elle peut accompagner ou suivre la prostatite. Elle se manifeste par une augmentation de volume de la bourse qui est chaude et très douloureuse. L’examen, difficile en période aiguë, montre un gros épididyme en cimier de casque très volumineux, douloureux à la palpation et à la simple mobilisation.
L’épididymite peut dominer la scène au point de paraître être l’affection principale. La recherche d’un foyer au niveau de la prostate est de règle devant toute atteinte infectieuse des bourses.
L’abcès prostatique
De façon exceptionnelle, en cas de traitement tardif ou inadapté, l’infection prostatique peut se collecter réalisant un abcès prostatique. Les troubles mictionnels s’aggravent progressivement ou réapparaissent après une courte amélioration.
Le toucher rectal extrêmement douloureux permet de constater une zone tendue parfois fluctuante retrouvée en échographie sous l’aspect d’une zone liquidienne intra-prostatique. Non drainé cet abcès prostatique peut s’ouvrir dans l’urètre ou infecter les espaces celluleux péri-prostatiques réalisant une péri-prostatite suppurée justifiant un drainage chirurgical.
La symptomatologie des prostatites chroniques est beaucoup moins caractéristique
Elle se résume en une douleur périnéale irradiant vers les organes génitaux ou le rectum, associée à une gêne mictionnelle variable, des douleurs avant et après la miction, impériosité, pollakiurie variable, sans élément obstructif net le plus souvent.
Le caractère chronique de la gêne s’accompagne souvent d’un retentissement psychologique net, tandis que les troubles sexuels associés, douleur à l’éjaculation, baisse de la libido, dysérection (difficulté à éprouver une érection) sont fréquents, organiques ou fonctionnels.
Le toucher rectal peut montrer une prostate irrégulière, parfois dure, posant un problème de diagnostic différentiel avec le cancer prostatique.
Prostatites: quels examens paracliniques ?
En cas de prostatite aiguë
Le bilan para-clinique sanguin objective l’infection : hyperleucocytose (forte augmentation du nombre de globules blancs) avec polynucléose (autrement dit, seule une certaine catégorie de globules blancs : les polynucléaires, augmente), accélération de la vitesse de sédimentation.
Le dosage du PSA (prostatite aiguë)
L’antigène spécifique de la prostate (ou prostate specific antigen, PSA en Anglais) est une glycoprotéine (protéine combinée à un glucide) sécrétée de façon quasi-exclusive par les cellules de la prostate. En cas de prostatite aiguë, son augmentation peut atteindre 60 à 80 ng/ml. Cette élévation signe l’atteinte prostatique.
Son évolution se fait de façon constante vers un retour à la normale après guérison de la prostatite et toute élévation persistante du PSA après quelques semaines doit conduire à une vérification biopsique (par prélèvement) chez des patients en âge de présenter un cancer prostatique.
En cas de fièvre élevée avec frissons, atteinte de l’état général, une hémoculture sera réalisée.
L’examen cytobactériologique des urines (prostatite aiguë)
Lorsqu’il comporte un examen séparé des urines du premier jet qui lave l’urètre, l’examen bactériologique des exsudats urétraux, quand ils existent, sont indispensables pour tenter d’identifier le germe en cause.
Malheureusement cette recherche n’est pas constamment positive et un examen d’urine stérile ne peut éliminer le diagnostic de prostatite aiguë en cas de symptomatologie clinique significative.
L’imagerie (prostatite aiguë)
Elle se limite à la phase aiguë à une échographie vésico-prostatique par voie abdominale pour évaluer le volume prostatique et la qualité de la vidange vésicale. Une échographie prostatique par voie endorectale n’est pas indiquée à la phase aiguë. Une urographie (radio de l’appareil urinaire réalisée après l’injection intraveineuse d’une substance opaque aux rayons X) est inutile, une urétrographie (radio de l’urètre) dangereuse.
En cas de persistance de la symptomatologie infectieuse et mictionnelle malgré le traitement antibiotique, une échographie endorectale est justifiée à la recherche de la formation d’abcès prostatiques pouvant nécessiter un drainage.
En cas de prostatite chronique
La difficulté principale consiste à affirmer l’origine microbienne de la symptomatologie clinique, celle-ci n’étant pas spécifique, au contraire de la prostatite aiguë. Il existe en effet un certain nombre de circonstances où des symptômes liés à des difficultés au moment de la miction ou génitales existent sans pour cela qu’il y ait lésion infectieuse et qui porte, faute de mieux, le nom de « prostatodynie » dont l’origine reste mystérieuse et le traitement aléatoire.
Le diagnostic bactériologique (prostatite chronique)
Il repose sur l’examen d’urine, éventuellement celui du sperme, et des sécrétions prostatiques.
L’examen d’urine (prostatite chronique)
Il doit comporter un examen des urines du premier jet plus souvent significatif en cas de lésion chronique où se retrouveront une leucocyturie (présence de globules blancs dans le sang) et une bactériurie (bactéries dans l’urine) plus marquées que dans les urines du milieu de la miction, habituellement examinées.
La spermoculture (prostatite chronique)
Elle est plus difficile à interpréter dans la mesure où il peut exister une contamination urétrale lors de l’éjaculation et que l’évaluation du compte des colonies microbiennes est plus discutée que dans l’urine pour différencier infection vraie et souillure urétrale.
L’examen bactériologique des sécrétions prostatiques
Bien que rarement réalisé, l’examen bactériologique des sécrétions prostatiques obtenues après massage prostatique et encadré d’un examen des urines avant et après massage (épreuve de Stamey) paraît le plus adapté pour préciser la nature microbienne de l’atteinte prostatique et identifier le germe responsable.
Le dosage du PSA (prostatite chronique)
Il n’apporte rien au diagnostic. Par contre, une élévation persistante du PSA doit évoquer, si l’âge est en rapport, un possible cancer prostatique et justifie une ponction biopsique.
L’imagerie (prostatite chronique)
La présence de calcifications prostatiques à la radio est souvent notée, mais cette constatation n’est pas spécifique d’une prostatite chronique et ne légitime pas à elle seule un traitement spécifique.
L’échographie avant et après miction permet de mesurer un éventuel retentissement sur la miction de même que la débimétrie. L’urographie intraveineuse avec urétrographie mictionnelle apporte rarement d’information utile en l’absence d’obstacle et son indication est discutable.
L’urétrocystographie ascendante et mictionnelle comporte plus d’inconvénients (douleur, infection) que d’avantages et n’est justifiée qu’en cas de suspicion de rétrécissement urétral.
Il en est de même des explorations endoscopiques qui n’apportent rien au diagnostic ou à l’indication thérapeutique, sauf cas exceptionnel d’écoulement purulent localisé pouvant justifier un acte endoscopique.
Prostatites: quel traitement ?
Traitement de la prostatite aiguë
On commence par le traitement antibiotique, indispensable et le plus souvent suffisant. Il doit être intensif et précoce, guidé par le contexte clinique et l’identification éventuelle du germe responsable.
La prédominance habituelle des germes spécifiques fait choisir, en l’absence de connaissance du germe, une antibiothérapie adaptée aux entérobactéries c’est-à-dire le plus souvent à la base initiale, une association d’aminoside et de bétalactamine ou de fluoroquinolone par voie parentérale (autre que la voie orale : intramusculaire, intraveineuse). Avec l’amélioration des problèmes liés à la miction, un relais par voie orale sera fait en général par fluoroquinolone ou cotrimoxazol.
Ce traitement sera prolongé 3 à 5 semaines, même en cas d’amélioration clinique rapide pour éviter un risque de rechute ou de récidive.
On peut associer au traitement antibiotique un traitement anti-inflammatoire stéroïdien ou non-stéroïdien, un traitement fonctionnel (antalgique, alpha bloquant, alitement, bains de siège chaud) pour améliorer les troubles mictionnels.
En cas de rétention d’urine
La vessie sera drainée par ponction sus-pubienne pour éviter tout traumatisme et le « clampage » (pincement) du cystocat permettra d’apprécier la reprise des mictions spontanées.
En cas d’abcès prostatique collecté
Un drainage de l’abcès sera réalisé le plus souvent par ponction écho guidée, plus rarement par voie chirurgicale, périnéale, par le rectum ou endoscopique. Une péri-prostatite suppurée nécessite un drainage chirurgical.
Enfin, le traitement de l’origine sera fonction de la lésion responsable, même en cas de rétention vésicale prolongée, pour éviter un risque septicémique (infection généralisée) pendant l’opération.
Une prostatite aiguë récidivante est, en cas d’obstacle, une indication chirurgicale.
Le traitement de la prostatite chronique
Il est difficile, en raison de l’impossibilité de localiser le foyer infectieux et de la faible pénétration des antibiotiques dans la prostate au stade de prostatite chronique.
Il utilise des antibiotiques dont la diffusion prostatique est satisfaisante. Le choix se limite en pratique aux fluoroquinolones, au cotrimoxasol et aux cyclines.
Il faut traiter longtemps, 12 semaines, parfois plus sous surveillance clinique et bactériologique régulière en associant éventuellement des anti-inflammatoires. Un traitement discontinu et prolongé peut se justifier pour éviter les récidives toujours possibles.
Ce long traitement antibiotique, nécessaire pour stériliser un foyer infectieux profond, ne se justifie que s’il existe une preuve bactériologique du caractère infectieux des symptômes cliniques.
Des traitements adjuvants (secondaires) : décongestionnant pelvien, bleu de méthylène, boissons abondantes, cure thermale peuvent avoir un effet bénéfique. Les indications chirurgicales sont très discutables.