Insomnie du nourrisson et de l’enfant: Qu’est-ce que c’est ?
Les troubles du sommeil du nourrisson et de l’enfant ne deviennent anormaux qu’à partir du moment où ils gênent le sommeil des parents et la vie familiale, d’où des situations vécues comme très variables d’une famille à l’autre.
L’âge est un élément important dans l’analyse des insomnies. Fréquentes chez le nourrisson entre 6 et 24 mois, elles sont plus rares ensuite.
Quel enfant n’a pas un jour présenté des troubles du sommeil ?
Banaux lors d’un épisode fébrile ou d’une poussée dentaire, ils peuvent devenir plus ennuyeux s’ils sont chroniques, car les parents s’épuisent et sont vite désemparés. Dans de très rares cas ils correspondent à un trouble psychiatrique qui dépasse le strict cadre du sommeil, et que nous n’envisagerons pas ici.
La qualité du sommeil des enfants est très variable. La quantité aussi… comme chez l’adulte. Certains dorment comme des loirs dans une atmosphère bruyante, d’autres ont besoin du calme absolu. Certains ont besoin de 8 heures de sommeil ou plus, d’autres de 6 heures ou moins.
Les troubles du sommeil correspondent presque toujours à des troubles psychologiques, trahissant un problème dans la relation entre les adultes et l’enfant. Cela explique l’intérêt de la consultation qui doit réunir les deux parents et l’enfant. Les médicaments ne sont qu’exceptionnellement une solution thérapeutique.
Il ne faut pas non plus négliger la dimension culturelle du problème : certaines situations, vécues comme anormales dans notre société, paraissent normales dans d’autres, pas exemple le fait de dormir dans le même lit que son enfant.
Insomnie du nourrisson et de l’enfant: d’où cela vient-il ?
En dehors des problèmes psychologiques, qui sont de loin les plus fréquents, il peut exister des insomnies en relation avec un problème organique, et qui ne disparaîtront qu’avec la résolution de celui-ci.
Les causes aiguës sont le plus souvent évidentes mais peuvent parfois ne se révéler qu’après 24 ou 48 heures : problème d’otite, de pharyngite…
Symptômes
Ces pathologies peuvent être suspectées devant certains symptômes :
- Eveils longs, surtout lors de la première partie de la nuit, avec diminution du temps total de sommeil.
- Hyperactivité anormale, le jour ;
- Cassure de la courbe staturo-pondérale ;
- Troubles alimentaires (régurgitations, douleurs, brûlures gastriques) ;
- Ronflement anormal ;
- Hypersudation.
Causes
Les principales causes chroniques sont :
- Toute maladie chronique, rhumatismale, digestive, neurologique…
- Les troubles psychiatriques graves (psychose notamment) mais l’insomnie n’est pas le seul symptôme.
- Eczéma.
- Otite séro-muqueuse.
- Maladie neurologique, déficit sensoriel.
- Syndrome obstructif : énormes amygdales et réveils provoqués par l’asphyxie ; l’ablation des amygdales a un effet miracle.
- Reflux gastro-œsophagien qui ne donne pas toujours de régurgitations évidentes.
- Intolérance aux protéines du lait de vache.
- Epilepsie avec crises nocturnes.
Insomnie du nourrisson et de l’enfant: comment cela marche-t-il ?
Le sommeil de l’enfant, comme celui de l’adulte, se déroule de façon cyclique, avec quelques variations liées à l’âge.
Deux phases de sommeil
Chez l’adulte on distingue le sommeil lent avec immobilité et calme, et le sommeil paradoxal avec des mouvements des yeux et des rêves. Les deux types de sommeil se distinguent aussi par des aspects différents si on enregistre un électroencéphalogramme (EEG).
Chez le nouveau-né déjà existent les deux types de sommeil :
- sommeil calme, où le nouveau-né est immobile, sans mouvement, avec les yeux fermés et immobiles ;
- sommeil agité où l’enfant est agité, a des mouvements oculaires, fait des petites grimaces ou des sourires, pousse des petits geignements, rêve. Ce sommeil est plus léger, et un observateur non averti peut penser que l’enfant est éveillé.
La succession de ces deux types de sommeil correspond à un cycle de sommeil qui dure environ 60 minutes à cet âge-là. Le sommeil normal est composé d’une suite de cycles de sommeil. En grandissant, les cycles augmentent de durée jusqu’à atteindre 90 à 120 minutes à l’âge adulte. Parallèlement, la proportion de sommeil agité diminue : de 50 % du temps total de sommeil à la naissance, elle passe à 20 %. Entre les cycles de sommeil, il existe de petits éveils, qui sont donc multiples et physiologiques chez un enfant normal. L’enfant grogne un peu avant de se rendormir. Si les parents allument, l’éveil devient complet et le rendormissement plus difficile.
Petits et gros dormeurs
La quantité de sommeil diminue aussi avec l’âge, mais elle est très variable d’une personne à l’autre : il existe aussi de petits et de gros dormeurs chez les enfants.
Les temps de sommeil varient selon les enfants :
- de 14 à 20 heures chez le nouveau-né (16 en moyenne) ;
- 13 à 15 heures à un an ;
- 12 à 14 heures à 3 ans ;
- 9 à 11 heures à 6 ans ;
- 8 à 9 heures à 13 ans.
Les siestes
Elles sont un élément important du sommeil du petit enfant : de 3 siestes à 6 mois l’enfant descend à 1 sieste entre 2 et 6 ans (2 heures de sommeil diurne). Des siestes trop fréquentes ou trop tardives peuvent perturber le sommeil nocturne (il existe une corrélation négative entre durée de sommeil diurne et durée de sommeil nocturne à partir de l’âge de 2 ans).
Le rythme jour-nuit
A la naissance, l’enfant ne différencie pas la nuit du jour, et dort indifféremment sur les deux périodes. Ce sont les « donneurs de temps » appliqués tous les jours par les parents qui vont donner le rythme jour/nuit. Les principaux sont :
- l’alternance jour/nuit (les aveugles ont souvent des troubles du sommeil) ;
- l’heure de lever régulière ;
- les horaires des repas (d’où l’intérêt de réveiller l’enfant la journée en cas de période de sommeil trop prolongée) ;
- les rythmes sociaux (pas de bruit la nuit, pas de vie familiale).
Un rôle essentiel
Le sommeil joue un rôle très important chez l’enfant, encore plus que chez l’adulte. Le sommeil paradoxal sert à la maturation cérébrale. C’est pendant le sommeil lent qu’est sécrétée l’hormone de croissance.
Insomnie du nourrisson et de l’enfant: comment vivre avec ?
Le sommeil doit être un plaisir. Pour y accéder normalement, certaines règles sont à respecter. C’est souvent le non-respect de ces règles qui explique les troubles observés.
L’insomnie infantile est en partie liée à nos modes de vie urbains trop précipités, auxquels les enfants sont obligés de s’adapter, et à nos horaires artificiels qui ignorent leurs rythmes biologiques personnels. Une hygiène correcte du sommeil consiste à essayer de retrouver ces rythmes personnels.
Les premiers mois de vie
Le bébé ne distingue pas le rythme jour/nuit, mais se réveille seulement quand il a faim. Il faut se plier à son rythme pour qu’il ait un bon sommeil et ne pas le réveiller à heures fixes. Il est normal qu’il se réveille la nuit pendant plusieurs semaines.
Par contre, il faut le réveiller la journée s’il dort beaucoup après 4 heures environ, et le laisser dormir la nuit. On l’aidera à intégrer la différence entre nuit et jour en gardant une atmosphère nocturne pour le changer durant la nuit (lumière tamisée, silence). Par contre le jour on peut le laisser dans une atmosphère plus bruyante et éclairée.
Mieux vaut le laisser adopter sa position favorite : les bébés ont besoin de se sentir dans un espace limité et vont préférer dormir dans un coin du lit, appuyés sur les barreaux ou le dossier. Ne pas le mettre dans un lit trop grand.
Il est préférable de le mettre très tôt dans sa propre chambre, dès le retour de la maternité si possible, afin d’éviter une séparation toujours mal vécue plus tard. Cela évitera aussi, lors des éveils en pleurs très fréquents les premiers mois, de réveiller totalement l’enfant en allumant la lumière ou en le prenant. Si l’on attend 2 ou 3 minutes pour intervenir, il se rendort pour un nouveau cycle de sommeil.
Bien gérer le coucher
Plus tard, les troubles du sommeil sont souvent des troubles de l’endormissement, d’où l’importance de bien gérer le coucher.
Il existe des cycles de veille avec des moments où l’endormissement sera plus facile. Il ne faut pas rater le train du sommeil : il baille, se frotte les yeux ou le nez (« le marchand de sable passe »), pleurniche, devient irritable. Il ne faut pas rater ce moment sous peine de ne pas le retrouver avant un long temps. Coucher tard les enfants qui ont des troubles du sommeil est une erreur. Ils manqueront de sommeil et se réveilleront souvent plus tôt le matin. Mieux vaut le coucher à une heure assez fixe le soir.
Il faut le coucher dans une atmosphère calme. Eviter les jeux d’excitation le soir (même si le papa n’a pas vu l’enfant de la journée, il attendra le week-end pour se bagarrer avec lui ou jouer aux chatouillis). Respecter les rites d’endormissement : comptine, berceuse, gâté, mais en fixant des limites fixes d’un jour à l’autre.
Eviter de trop accompagner le sommeil de l’enfant en l’endormant dans les bras voire dans le lit des parents. Dans la nuit il se rendrait compte de la séparation et se réveillerait à nouveau plusieurs fois avec obligation de le rendormir dans les bras. Ne pas tolérer non plus l’endormissement dans le canapé du salon devant la télévision.
Respecter l’objet transitionnel ou d’endormissement, même s’il est sale ou en mauvais état.
Si on doit le confier (ne serait-ce qu’à la crèche) ou le déplacer, veiller à ce qu’il retrouve des repères sécurisants : oreiller, vêtement maternel dont l’odeur le sécurisera.
Le noir absolu n’est pas une obligation. On peut laisser la porte de la chambre ouverte pour diminuer le stress de la séparation. Une veilleuse nocturne n’est pas une mauvaise solution.
L’affection n’empêche pas une certaine fermeté, qui est très nécessaire pour que l’enfant se sente sécurisé. Il est important que les deux parents s’entendent pour agir de concert et en harmonie, sinon l’enfant saura très vite comment s’y prendre pour faire fléchir le plus faible. Il est également important que le papa ait un rôle à jouer, et renforce le message de fermeté de la maman.
En cas de réveils nocturnes
L’attitude reste la même. Il est normal et important d’aller consoler l’enfant qui pleure mais une fois rassuré, le laisser se rendormir seul.
Ne pas donner à boire le soir ou dans la nuit. Le lait ou l’eau en excès (plus de 200 cc) provoquent une distension de la vessie responsable d’éveils nocturnes.
Les réveils nocturnes ne sont pas une anomalie s’ils ne sont pas répétés. Lors d’une étude réalisée par des pédiatres en cabinet de ville dans les régions Rhône-Alpes (France) et Catalogne (Espagne), 53 % des enfants observés présentaient des réveils nocturnes, 4 fois par semaine en moyenne.
L’enfant a le droit de ne pas avoir sommeil, mais il faut lui apprendre à respecter le sommeil des autres, en particulier des parents.
Insomnie du nourrisson et de l’enfant: quelques conseils
La lecture d’un livre le soir, ou la petite histoire inventée ou non selon le désir de chacun, est le meilleur des somnifères. Cela permet également d’avoir un moment d’intimité et de calme avec chacun de ses enfants, y compris les plus grands. Chez les bébés, c’est le câlin du soir qui joue le même rôle.
N’hésitez pas à consulter le médecin de l’enfant. Le fait de se confier à lui, d’être rassuré sur la santé de son bébé et sur la bénignité des troubles résout bien des problèmes, d’autant que cela permet aux parents de confier leurs difficultés au praticien de corriger certaines erreurs flagrantes. L’idéal pour cette consultation est d’y aller à deux, le papa et la maman ont un rôle à jouer tous les deux.
Le sommeil doit être présenté à l’enfant comme un plaisir. Ne surtout pas le punir dans la journée en le mettant ou en menaçant de le mettre au lit. Ce serait lui donner une image très négative du lit et du coucher.
Dormir dans le lit des parents n’est pas dénué de danger sur le plan psychologique. C’est laisser croire à l’enfant que la relation incestueuse n’est pas exclue. C’est aussi le mettre entre ses parents, ce qui peut parfois leur convenir en cas de difficultés conjugales mais n’est pas sain, car ce n’est pas à l’enfant à résoudre par sa présence les difficultés relationnelles de ses parents.
Tout enfant a, aura ou a eu des difficultés de sommeil à un moment ou un autre. C’est dire la bénignité générale des problèmes de sommeil, qu’il faut savoir aborder avec sérénité, du moins lorsqu’ils sont de courte durée.
Il faut habituer les enfants à se coucher à des heures régulières. La régularité des heures de repas, de coucher, de lever sont des « donneurs de temps » fondamentaux pour acquérir un bon rythme de vie et donc de sommeil.
Les siestes tardives de fin d’après-midi peuvent perturber le sommeil nocturne et l’endormissement. Elles sont à éviter.
Attention aux jeux excitants le soir (cache-cache, chatouillis, bagarres…). Pour que l’enfant trouve facilement son sommeil, il a besoin d’une période de calme avant le coucher.
Il est vrai que les parents qui n’ont pas vu leur progéniture de la journée aimeraient jouer, rattraper le temps perdu. Qu’ils se réservent pour le week-end ou les jours de repos.
L’éducation des enfants consiste à leur apprendre (ainsi qu’à leurs parents) à gérer les séparations successives : séparation de la mère à la naissance, séparation lors de la mise en garde, lors de la mise à l’école, lors des voyages scolaires, au moment de la prise d’autonomie adulte. Le sommeil est une de ces séparations. Il est important de la réussir au mieux.
Il n’est pas bon de rester avec l’enfant le soir jusqu’à son sommeil complet. C’est lui donner l’illusion qu’il n’y a pas de séparation d’avec les parents. Lors des phases de sommeil superficiel, l’enfant le réalisera et se réveillera plusieurs fois. Il faut qu’il s’endorme en réalisant et en acceptant bon gré mal gré la séparation avec ses parents.
Insomnie du nourrisson et de l’enfant: insomnies et parasomnies
Les parasomnies sont des phénomènes parasitant le sommeil, sans le troubler véritablement, comme le somnambulisme.
Très fréquent, le somnambulisme survient de façon occasionnelle chez 30 % des enfants de 3 à 10 ans, et de manière régulière chez 10 % d’entre eux.
7.4.1.1 Le somnambulisme
Caractéristiques. En début de nuit pendant la période de sommeil profond, l’enfant se lève et fait des gestes automatiques (aller dans la chambre des parents ou aux toilettes) et parle parfois. Il réagit peu quand on l’appelle mais obéit aux ordres simples. Il a tout oublié le lendemain.
Il s’agit souvent d’enfants anxieux, très sérieux et consciencieux, soumis à des tensions psychiques dans la journée.
Pendant l’accès de somnambulisme, les parents doivent raccompagner tranquillement l’enfant vers son lit en lui disant des paroles apaisantes. Il faut coucher l’enfant à heures régulières, éviter le manque de sommeil, ne pas être trop exigeant dans la journée. Le fait de rassurer les parents et l’enfant fait partie du traitement.
En cas d’accès très fréquents (plusieurs fois par nuit), ou dangereux, on peut proposer un traitement médicamenteux avec de l’amineptine qu’on donne sur une durée brève (un à deux mois) avec arrêt progressif ensuite.
Il existe une tendance familiale : d’autres personnes de la famille sont souvent atteintes mais de façon aléatoire.
L’épilepsie psychomotrice
Ce comportement peut également relever de l’épilepsie psychomotrice bénigne, ou l’épilepsie à paroxysmes rolandiques intercritiques, mais dans ce cas il existe aussi des crises diurnes : l’enfant a des mouvements stéréotypés (mouvements de mastication ou de déglutition, bruits de gorge). L’électroencéphalogramme (EEG) est caractéristique.
Le traitement est différent de celui du somnambulisme (médicaments antiépileptiques). L’évolution est bénigne : la guérison avant l’âge adulte est la règle.
Rythmies et terreurs nocturnes
D’autres parasomnies sont fréquentes :
Les rythmies
Elles se manifestent par une oscillation de la tête, des mouvements dans le lit. Elles concernent 5 % des enfants et disparaissent le plus souvent avant 5 ans. Si l’enfant ne présente aucun autre signe psychique anormal, on peut rassurer les parents. Le principal traitement est de prendre les mesures pour supprimer le bruit créé.
Les terreurs nocturnes
Elles ne passent pas inaperçues : l’enfant réveille ses parents par des pleurs, des hurlements. Il est paniqué, vit une scène effrayante. Il est très difficile d’entrer en contact avec lui, de le calmer. Après quelques minutes, il retombe dans un sommeil profond. Le matin au réveil il a tout oublié. En cas de récidive fréquente, on pourra proposer un traitement médicamenteux (comme dans le somnambulisme), voir une psychothérapie, car il peut exister une souffrance psychologique.