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Parodontopathies

Parodontopathies : qu’est-ce que c’est ?

Ce sont des affections qui détruisent les tissus de soutien de la dent (ou parodonte). Plus de la moitié de la population mondiale est touchée. Elles amènent plus de pertes de dents (par extraction ou chute spontanée) que les caries.

Le vieillissement de la population dans les pays développés aggrave cet état de choses (les plus de 60 ans représentent 21,3 % de la population française). Elles sont dues pour l’essentiel à un déséquilibre entre les défenses de l’organisme et l’agression microbienne.

Les tissus parodontaux

On distingue quatre tissus parodontaux :

  •  Gencive ;
  • Cément : bien qu’adhérent à la surface de la racine dentaire, le cément a une origine embryologique différente. Il fait donc partie du parodonte, bien qu’il vienne avec la dent lors d’une extraction ;
  • Ligament alvéolodentaire (appelé aussi desmodonte, il relie la dent à l’os et joue le rôle d’amortisseur au cours de la mastication) ;
  • Os alvéolaire (il comporte les alvéoles où sont implantées les racines des dents).

Est-on condamné à perdre ses dents ?

Les parodontopathies ne sont pas inexorables. Il est faux de penser que l’on ne peut rien faire. Il n’y a pas de fatalité face à cette maladie, comme on le croit trop souvent.

Des traitements existent, qui freinent son évolution, voire la stoppent, à condition de « maintenir la pression » quotidiennement. Ces traitements sont d’autant plus efficaces qu’ils sont plus précoces : il est plus facile de conserver des structures osseuses fragiles que de faire repousser de l’os disparu (ce qui reste malgré tout possible avec des techniques de régénération tissulaire).

C’est la seule partie de la dentisterie où l’aide active du patient est indispensable pour maintenir les résultats du traitement réalisé au fauteuil : 12 h après un nettoyage total de la cavité buccale, il y a de nouveau suffisamment de microbes et de produits de décomposition pour continuer la destruction du parodonte.

Tout se passe comme si la dent était devenue un corps étranger devant être expulsé de l’organisme et que les efforts conjugués du patient et du praticien constituaient un traitement antirejet.

Parodontopathies : comment les reconnaître ? (symptômes)

A des degrés divers, les symptômes sont communs aux différentes formes de parodontopathies. Contrairement aux caries, les douleurs sont rares (bien que très intenses lorsqu’il y en a).

Tout a tendance à se dérouler à bas bruit, localisé à une ou plusieurs dents, ou généralisé avec parfois des manifestations régionales (langue, joues, etc.).

Phase de début

Agacement gingival :

C’est le premier signe, irritation, démangeaison, plus rarement sensation de brûlures. La sédation (soulagement momentané) est amenée par le fait de serrer les mâchoires

Saignements gingivaux :

  • Spontanés : c’est souvent l’oreiller tâché au réveil qui attire l’attention ou une sensation « de goût de sang » dans la bouche.
  • Provoqués : par brossage, pression du doigt, mouvements de succion. Le saignement apporte une sédation transitoire des agacements par décongestion des tissus.

Aspect de la gencive :

  • Couleur : la gencive est très rouge, voire bleu violacé, surtout au niveau des papilles inter dentaires. Avec des points hémorragiques, ou liseré sanguin dans le sulcus (sillon).
  • Texture : elle perd son aspect en peau d’orange. Elle gonfle, elle devient lisse brillante.
  • Consistance : elle devient molle, décollée de la dent.

Signes associés :

  • Salivation : elle est augmentée, la salive est plus filante.
  • Halitose (mauvaise haleine) : elle augmente au fur et à mesure que l’atteinte s’aggrave et que les bactéries se développent.

Différentes phases

Récessions :

La gencive qui avait gonflé dans un premier temps peut se rétracter, la dent se « déchausse ».

Les formes :

  • Forme globale : c’est tout le pourtour de la dent qui se « déchausse ».
  • Forme partielle : Une seule face est concernée en général. Soit la face vestibulaire à cause d’une implantation trop extérieure par rapport à l’os (on dit que la racine est vestibulée). Soit la face linguale : c’est le plus souvent la présence de tartre qui repousse la gencive.

Les poches :

La profondeur du sillon gingival est, à l’état normal, comprise entre 1 et 2 mm. Le gonflement de la gencive va augmenter cette profondeur. On distinguera :

  • La fausse poche : l’attache gingivale est toujours intacte. C’est l’importance de l’œdème qui détermine ce qu’il serait plus juste d’appeler la hauteur de poche plutôt que sa profondeur.
  • La poche parodontale : l’attache gingivale est lésée et l’épithélium (tissu composé de plusieurs couches de cellules) a commencé à migrer vers l’apex (la pointe, ou la racine). La profondeur de poche est ici due à l’association de la perte d’attache et de l’œdème. La poche devient de plus en plus profonde, pouvant aller jusqu’à l’apex de la ou des dents. Sa profondeur peut varier d’un côté de la racine à l’autre, d’une dent à l’autre. Certaines dents peuvent rester indemnes de toute atteinte, ou n’être touchées que tardivement.

Caries :

Du collet ou de la racine, elles sont dues au déchaussement qui expose des régions recouvertes de cément, qui est moins résistant que l’émail.

Perte de support osseux :

Le rapport couronne racine (c’est-à-dire le rapport entre partie libre et partie soutenue par de l’os) est d’un tiers-deux tiers sur une dent adulte, vierge de toute atteinte parodontale. Au fur et à mesure de la perte osseuse, le rapport s’inverse. Le bras de levier devient de plus en plus important, engendrant une mobilité dentaire ; laquelle provoque des déplacements, qui donnent de mauvaises occlusions. Le tout accélère le processus pour aboutir à la perte de la dent.

Complications infectieuses :

  • Desmodontite : c’est la fameuse « arthrite ». La dent est douloureuse au moindre contact. La dent paraît plus longue par gonflement du ligament. Elle « accroche » chaque fois que l’on ferme la bouche.
  • Pulpite « a retro » : l’envahissement microbien de la pulpe se fait non par une carie, mais par le foramen apical (orifice débouchant sur l’apex) ou par un canal aberrant débouchant plus ou moins haut sur la racine. Il déclenche une « rage de dent ».
  • Abcès parodontal : il est rarement douloureux car la poche est le plus souvent largement ouverte. Le pus peut s’évacuer beaucoup plus facilement que lorsqu’il doit se frayer un chemin à travers l’os. La quantité de pus ainsi avalée peut être très importante (on a parlé d’une cuillère à soupe par jour, pendant des mois ou des années, ce qui retentit sur l’état général) souvent à l’insu du patient. L’halitose (mauvaise haleine) est très importante.
  • Infection focale : c’est une manifestation infectieuse, par une souche bactérienne provenant de la bouche, dans un organe éloigné du foyer dentaire et sans lien direct avec lui. Il semblerait que les personnes les plus à risques sont les cardiaques, les insuffisants rénaux et les rhumatisants. La séropositivité et le Sida favorisent des surinfections majeures.

Parodontopathies: comment la reconnaître ? (la gingivite)

La gingivite est la forme la plus habituelle, la plus précoce. C’est la première manifestation de toute maladie parodontale. La gencive est irritée, mais l’attache épithéliale (du tissu) n’est pas lésée. Cette forme est totalement réversible : la disparition de l’irritation amène une guérison totale.

Epidémiologie

Elle atteint de préférence l’adolescent(e) autour de la puberté ou l’adulte jeune.

Causes

Elle est essentiellement due à un manque d’hygiène bucco-dentaire, qui était bien supporté jusque-là. Les changements hormonaux et/ou la découverte du tabac, les problèmes psychiques de l’adolescence, entre autres, contribuent à déstabiliser ce fragile équilibre.

Symptômes

Siège :

Elle peut être localisée ou généralisée aux deux arcades, avec une prédominance aux zones fortement entartrées (incisives inférieures), ou d’accès difficile (dent de sagesse du haut côté vestibulaire).

Aspect :

  • Gonflement des muqueuses puis saignements gingivaux, provoqués surtout spontanés dans les cas graves ;
  • Inflammation de la gencive marginale qui gonfle et laisse sourdre un liquide clair (fluide gingival) ;
  • Formation d’une fausse poche : le sillon gingival semble plus profond du fait de l’œdème, mais l’attache gingivale n’a pas migré. Elle est intacte. Seule la gencive est intéressée, ni l’os ni le ligament ne sont atteints. Il n’y a pas de mobilité dentaire.

Traitement

Il est très simple et d’action immédiate.

Au cabinet dentaire :

  • Suppression de toutes les épines irritatives : désinfection buccale, détartrage (sous antibiotique si le sujet est à risque), rectification ou remplacement des obturations et/ou prothèses défectueuses, réparation des désordres anatomiques ou occlusaux mineurs…
  • Enseignement de l’hygiène bucco-dentaire et des règles d’hygiène de vie : ces actions suffisent dans la plupart des cas.
  • Traitement des problèmes plus importants : orthodontiques, prothétiques, chirurgicaux…

Tous ces gestes locaux ont pour but d’améliorer l’environnement et de faciliter l’hygiène et l’auto nettoyage.

Traitement du terrain :

S’il n’y a pas déjà un traitement en cours, le chirurgien-dentiste peut faire appel à d’autres disciplines :

  • Problèmes généraux : du ressort du médecin traitant ou d’un spécialiste.
  • Prise en charge psychologique.
  • Equilibration hormonale.

A la maison :

C’est essentiellement l’application des règles d’hygiène qui auront été définies par le chirurgien dentiste en fonction de chaque cas. Elles limiteront les risques de récidive entre deux visites de contrôle.

Prévention des récidives

  • Visites de contrôle et détartrages régulier.
  • Surveillance du terrain.
  • Maintenance quotidienne.

Evolution

Sans traitement, et si l’hygiène ne s’améliore pas, il y aura rupture de l’attache épithéliale (voir sur l’anatomie de la gencive, le chapitre : « Comment cela marche-t-il ? »), désorganisation des tissus de soutien, et migration de l’épithélium (tissu) en direction de l’apex (pointe ou racine de la dent). La formation de poches signe l’apparition de la parodontite, avec des pertes de substance de moins en moins réversibles.

Parodontopathies : comment la reconnaître ? (la parodontite « habituelle »)

C’est la plus commune des parodontites (95 % des cas). C’est une gingivite négligée qui a évolué sur plusieurs années, à bas bruit, avec quelques phases inflammatoires qui n’ont pas retenu l’attention, et des phases de rémission qui ont fait faussement croire à une disparition du problème.

Epidémiologie

Elle touche un adulte, plutôt de sexe féminin, entre 30 et 50 ans. En fait, c’est l’apparition d’un ensemble de symptômes (notamment une mobilité dentaire) qui nuisent au confort du patient qui lui fait subitement prendre conscience d’une situation qui couve depuis des années. Et qui l’amènent à consulter par crainte de voir tomber ses dents.

Causes

Ce sont les mêmes que la gingivite : mauvaise hygiène, tartre…

Les facteurs aggravants sont :

  • Des poches plus ou moins profondes favorisant la prolifération bactérienne.
  • Des pertes osseuses induisant des mobilités dentaires, favorisant des déplacements et des mauvaises occlusions. La disparition des points de contact entraîne une compression gingivale par bourrage alimentaire.
  • Récessions gingivales : la disparition des papilles interdentaires, en dénudant les anfractuosités interradiculaires, complique le brossage et l’auto nettoyage. Elle favorise la rétention alimentaire. Toutes choses qui augmentent l’inflammation et le risque de carie des racines.

Symptômes

Siège :

Toute la denture peut être atteinte. Plus habituellement ce sont plutôt deux ou trois dents réparties sur les arcades, ou un groupe de dents, qui sont touchés simultanément.

Signes gingivaux :

Les gencives sont gonflées, vernissées, allant du rouge au bleu violacé. Le sillon gingival est agrandi, il est encombré d’une substance blanc-jaunâtre : plaque dentaire et pus mélangés. La gencive semble « flotter » par rapport à la dent. Il y a peu ou pas de saignement, mais la pression du doigt fait sortir un liquide purulent. Des pressions répétées ont du mal à en tarir le flux.

Signes dentaires :

  • Dents mobiles à très mobiles.
  • Déplacements dentaires : incisives « en éventail », parfois presque horizontales, qui soulèvent la lèvre. Dents « descendues », notamment les incisives. Prémolaires, ou molaires, inclinées ou couchées, en bordure de sites édentés.
  • Dents absentes par chute spontanée ou extraction.
  • Dents « déchaussées » : récessions partielles ou globales, aspect de « dent longue » surtout au niveau incisif lors du sourire, dents de « cheval » ou sourire à la « Fernandel ».

Sensibilités :

  • Généralement frustres : poussées congestives des gingivites, « agacements » dentaires (sensation de dents mobiles comme « sur silentbloc », que l’on peut faire rentrer dans leur alvéole en mordant dessus, ce qui amène le plus souvent une sédation).
  • Quand la dent devient trop mobile : il y a douleur de déchirement ligamentaire en cas de choc.
  • Sensibilité au froid sur les racines dénudées.
  • Des épisodes aigus à type de desmodontite (« arthrite ») ou de pulpite (rage de dent) peuvent se greffer en cours d’évolution.

Signes associés :

  • Halitose : mauvaise haleine à cause de pus et des produits de décomposition contenus dans les poches (dans les parodontites généralisées à toute la denture, la surface développée des poches avoisine celle de l’avant-bras !).
  • Tic : la langue « joue » avec la dent mobile.

Parodontopathies : d’où cela vient-il ?

La bouche est l’endroit du corps humain où l’on trouve le plus grand nombre de bactéries, mais également le plus de moyens de défense ; l’équilibre entre attaque et défense définissant la bonne santé. La maladie parodontale se développe lorsque l’agression microbienne prend le dessus.

Ce déséquilibre peut-être :

  • héréditaire : on a les gencives « faibles » ou les dents qui se carient dans la famille ;
  • acquis : diabète par exemple.

Nous allons maintenant passer en revue les agents responsables de la maladie parodontale.

La plaque dentaire

C’est l’élément principal de la maladie parodontale. Schématiquement elle est formée de salive, de sucre, de bactéries. Elle est en production constante.

Elle est d’autant plus dangereuse qu’elle est plus ancienne et plus épaisse, par apparition et prolifération de bactéries de plus en plus pathogènes (agressives). Elle provoque une inflammation, puis une infection du sillon gingivo-dentaire, dont les parois ne tardent à s’ulcérer, puis enfin la destruction des tissus parodontaux.

Facteurs de codestruction locaux

Ils ne peuvent à eux seuls provoquer une maladie parodontale, mais ils la favorisent et en accélèrent le processus.

Facteurs de rétention de plaque :

  • Hygiène bucco-dentaire insuffisante.
  • Tartre sus et sous-gingival.
  • Caries, malformations, malpositions dentaires, défaut naturel de point de contact.
  • Prothèses mal entretenues, entartrées.
  • Causes iatrogènes (dues à l’intervention du praticien) : obturations ne reproduisant pas l’anatomie dentaire, obturations débordantes qui compriment et ulcèrent la gencive, obturations avec défaut de point de contact induisant des bourrages alimentaires. Prothèses mal adaptées. Traitements orthodontiques même bien conduits, les efforts imposés aux dents favorisent la congestion parodontale. Les éléments fixés sur les dents compliquent le nettoyage.
  • Manque de fonction : le côté « où on ne mange pas » a plus de plaque et de tartre que l’autre côté.
  • Dessèchement buccal : respiration bouche ouverte qui agresse la région antérieure. Hormonal : xérostomie, syndrome de bouche sèche souvent lié à un état préménopausique ou ménopausique.
  • Tabac, produits irritants.

Traumatismes parodontaux :

Quand les dents ou certaines dents reçoivent des charges excessives et répétées, il y a un retentissement sur le parodonte.

  • Dysharmonies de l’occlusion : sur une même arcade, les dents ne sont pas bien alignées, et/ou l’engrènement interarcade n’est pas correct. Elles peuvent être innées, c’est le cas de l’enfant ayant « les grosses dents du papa et la petite mâchoire de la maman », ce qui crée des encombrements ; mais aussi acquises, c’est tout ce qui modifie l’équilibre occlusal : poussée de la dent de sagesse avec répercussion sur le reste de l’arcade, extraction non compensée, les autres dents basculent, obturation ou prothèse en sur occlusion (l’antagoniste « tape »), obturation ou prothèse en sous occlusion (l’antagoniste « descend » ou pivote), orthodontie insuffisante ne créant pas une architecture stable.
  • Les parafonctions : ce sont tous les tics qui entretiennent une activité (ou une hyperactivité) des mâchoires, autres que la nutrition ou la parole : grincement des dents (ou bruxisme) ; serrement exagéré des mâchoires (ou clenching) ; déglutition infantile (la langue s’interpose entre les dents et les empêche de se toucher, quand on avale sa salive) ; succion du pouce, crayon, tuyau de pipe ; tic lingual qui repousse les incisives « en éventail » ; mordillement des lèvres et des joues.
  • Les anomalies muqueuses : on trouve d’une part des tensions sur le parodonte lors des mouvements de la bouche. Elles auront donc tendance à tirer sur le parodonte : freins trop court ou avec des insertions trop proches de la gencive marginale, vestibules manquant de profondeur. D’autre part, il peut y avoir un manque de gencive attachée, barrière insuffisante envers les agressions.

Les facteurs généraux

Ils participent aussi à la maladie parodontale, mais eux non plus ne la déclenchent pas.

Causes hormonales : surtout pour le sexe féminin, la muqueuse utérine et la muqueuse buccale ont la même origine embryologique. Ce qui agit sur l’une agira sur l’autre : puberté, règles, grossesse, pilule, ménopause.

Causes psychosomatiques : « le moral agit sur le physique, le physique agit sur le moral » : stress, anxiété, perte d’un être cher, étudiant en période d’examens…

Maladies générales : diabète, glande thyroïde, maladies du sang (leucémies…).

Médicaments : antiépileptiques, tranquillisants.

Carences vitaminiques, malnutrition.

Parodontopathies : Comment cela marche-t-il ?

Indolore au départ, elle conduit plus ou moins rapidement, en l’absence de traitement approprié, (ou malgré ce traitement car il y a des formes rebelles) à une édentation totale.

Les dents, généralement indemnes de carie, deviennent de plus en plus mobiles. Elles finissent par tomber, comme des fruits mûrs.

L’évolution est en général assez lente, sur 20 à 40 ans, avec des phases actives entrecoupées de rémissions spontanées. Il existe deux formes à évolution rapide, heureusement beaucoup plus rares.

Pourquoi cette évolution « fatale » ? Il existe des particularités anatomiques.

L’épithélium

Le tissu de recouvrement qui « emballe » le corps, qu’il soit constitué de peau à l’extérieur ou de muqueuse à l’intérieur, possède la même structure au microscope, bien que l’aspect soit différent à l’œil nu. On l’appelle un épithélium. Il sert en quelque sorte d’emballage à la « viande » que l’on appelle le conjonctif.

Rôle de l’épithélium

L’épithélium a un rôle de protection. Il forme une enveloppe continue et à peu près étanche aux agents extérieurs. Par contre, il laisse passer la transpiration ou les fluides sous-muqueux. Il a également un rôle de réparation lorsque l’enveloppe est déchirée (coupure par exemple).

Mécanismes de réparation épithéliale

Cas général : l’épithélium aligne des cellules neuves de part et d’autre de la plaie pour la refermer, comme si l’on repavait une rue à partir des trottoirs opposés.

Pour cela il est indispensable que sa vitesse de reproduction cellulaire, soit supérieure à celle du conjonctif, sinon la cicatrice « bourgeonnerait » et ne se fermerait jamais.

Cas du sulcus : au niveau du sillon (sulcus) gingival, l’épithélium enserre la dent comme un manchon. Mais il s’arrête au fond du sillon pour laisser la place au conjonctif, qui, sous sa forme ligamentaire, maintient la racine dans l’alvéole.

Nous sommes face à une « plaie virtuelle » ou quiescente. La vitesse de cicatrisation qui est un avantage au plan général, devient ici un inconvénient majeur. S’il y a effraction de cette barrière, le processus normal de cicatrisation se met en branle : l’épithélium part à la recherche de l’autre berge épithéliale pour fermer la plaie. Il s’enfonce petit à petit autour de la racine.

Lorsque la dent tombe, après plusieurs années d’évolution, les parois de l’alvéole résiduel sont tapissées d’épithélium, et ça ne saigne pas, ou très peu (sauf s’il a été ulcéré par du tartre). Toute la difficulté des traitements parodontaux tient dans ce différentiel de vitesse : il faudrait arriver à ralentir la vitesse de l’épithélium quand il a commencé à migrer, pour que le conjonctif ait le temps de cicatriser au contact de la racine, et que se reforme une nouvelle attache stable. Ceci n’étant pas possible pour l’instant, la thérapeutique vise à lui mettre un « handicap », notamment avec des membranes d’interposition qui le séparent du conjonctif un temps suffisant.

Parodontopathies : quels traitements ?

Les moyens à mettre en œuvre sont de plus en plus complexes selon la progression de la maladie et la phase dans laquelle elle se trouve : active ou en rémission.

Au cabinet dentaire

Thérapeutique initiale

Locale : désinfection buccale, détartrage pour assainir la situation, rectifications, réparations mineures, suppression des épines irritatives (obturations débordantes, prothèses mal ajustées, points de contact défectueux…). Contention provisoire des dents trop mobiles.

Générale : traitement de la douleur s’il y a lieu, antalgiques, anti-inflammatoires, antibiotiques si nécessaire.

Bilan parodontal

Dès que l’urgence est passée : évaluation des dégâts, définition d’un plan de traitement à partir de radiographies, de moulages des arcades dentaires, d’un examen minutieux, évaluation des capacités de cicatrisation suite à la thérapeutique initiale.

Motivation du patient

Conseils d’hygiène bucco-dentaire, vérification du suivi et des résultats. Sans une coopération totale du patient, il n’est pas possible de gérer une parodontopathie. La maintenance est primordiale dans la réussite d’un traitement, aussi sophistiqué soit-il.

Poursuite du traitement (sous réserve que l’hygiène soit devenue satisfaisante)

Il sera fait appel à de nombreuses ressources de l’art dentaire et d’autres disciplines. Selon la complexité du cas, chirurgiens-dentistes de spécialisations différentes, ainsi que d’autres praticiens, pourront coordonner leurs efforts. Dans un ordre ou un autre selon les opportunités et l’évolution de la maladie, on procédera à :

Analyses biologiques

Pour déterminer le type de traitement médicamenteux à associer : s’il est nécessaire de prescrire des antibiotiques, et lesquels, ou si les antiseptiques seront suffisants.

Extractions des dents irrécupérables (sans se précipiter)

L’assainissement et la contention améliorent souvent des situations qui semblaient désespérées.

Soins dentaires

Remplacement des obturations défectueuses, traitement ou reprise de traitement des dents infectées spécialement celles appelées « endo-paro » (qui ont à la fois des problèmes canalaires et parodontaux).

Orthodontie

Pour ramener les dents déplacées à une position plus normale. Se fait à tout âge. La mobilité dentaire et la perte osseuse facilitent les déplacements.

Reconstitution occlusale

Une occlusion équilibrée est nécessaire pour éviter des forces nocives, en les répartissant également sur chaque dent.

  • L’orthodontie y contribue.
  • Meulages sélectifs des dents trop longues.
  • Remodelages occlusaux par produits d’obturation (amalgame, composites) ; inlays et onlays (métal, composite ou céramique) ; et coiffes (transitoires ou « définitives »).
  • Remplacement des dents manquantes par prothèses transitoires. Les bridges, fixés aux dents restantes, sont préférables aux prothèses amovibles qui compriment la gencive.
  • Pose d’une gouttière amovible d’équilibration, appuyée sur les dents, sans contact gingival.

Chirurgie parodontale

Gingivectomie simple : on enlève toute la gencive atteinte, les indications en sont peu nombreuses.

Curetage gingival : on « gratte » l’intérieur des poches « en aveugle ».

Lambeau : on décolle la gencive et on la soulève « comme un capot de voiture » pour mettre l’os à nu et nettoyer « à ciel ouvert ». Cette méthode permet un meilleur nettoyage des lésions que le curetage. On replace ensuite le lambeau de façon la plus hermétique possible sur le site opératoire.

Greffes gingivales : on déplace de la gencive saine pour réparer un manque.

Greffe libre : on décolle totalement un morceau de gencive, généralement au palais, et on le transporte sur le site receveur.

Greffe de rotation : c’est une zone adjacente qui est sollicitée. On fait glisser le lambeau qui reste attaché à sa zone d’origine par un pédicule nourricier. Généralement, la zone à recouvrir est plus petite que pour une greffe libre.

Greffes de tissu dur, greffes de comblement : pour combler une perte osseuse, on utilise l’os du patient ou divers produits tels que le corail ou l’apatite (que l’on trouve dans certaines roches).

Régénération tissulaire guidée : on place sous le lambeau une membrane isolante pour permettre à l’os et au ligament détruit de se reconstituer, sans perturbation de la part de l’épithélium.

Prothèse

Elle doit prendre en compte les impératifs d’hygiène (facilité de nettoyage), la santé gingivale (irritation minimale), la fragilité relative des dents support (éviter toute force nocive). La prothèse fixée sur dents naturelles ou sur implants est préférable, dans la mesure du possible, à la prothèse amovible.

Tout ou partie de ces techniques difficiles et contraignantes seront utilisées pour obtenir une stabilisation des lésions (à défaut d’avoir une régénérescence totale des tissus détruits) en recréant un environnement des dents et des gencives favorable.

Parodontopathies : comment vivre avec ?

Traitement du terrain de la maladie

Les problèmes généraux :

Notamment chez les cardiaques, les diabétiques, dans le cas des traitements anti-inflammatoires au long cours, les rhumatisants : il y a risque d’infection focale.

Séropositifs et sida : risque de surinfection majeure. En cas de parodontite rebelle et sur avis du médecin traitant, le traitement parodontal pourra être plus radical et supprimer tous les foyers infectieux, par extractions. Le même assainissement radical est de mise avec les patients devant subir une radiothérapie de la face.

Problèmes hormonaux :

Chez la femme, la grossesse, la préménopause et la ménopause ont un retentissement sur le parodonte. Pendant la grossesse, seul un traitement local est délivré en attendant l’accouchement. Un traitement endocrinien bien conduit atténuera les effets des deux autres.

Gestion du stress et de l’anxiété :

Contraintes de la vie moderne, chômage…

A la maison

  • Hygiène bucco-dentaire rigoureuse pour éliminer les bactéries responsables.
  • Suppression ou diminution substantielle du tabac.
  • Suivi du traitement général pour améliorer le terrain et augmenter les défenses.

Prévention des récidives

Visites de contrôle, détartrages réguliers, surveillance du terrain, maintenance quotidienne. On retrouve les mêmes impératifs que pour les gingivites, mais avec une situation beaucoup moins stable, et des pertes de tissu qui laissent moins de marge de manœuvre. La surveillance en sera d’autant plus accrue.

Evolution

La parodontite évolue selon des poussées cycliques, entrecoupées de phases de rémission spontanées plus ou moins longues. Elle intéresse des sites différents dans le temps. Elle aboutit souvent à la perte des dents.

Le traitement ne met pas à l’abri de récidives. S’il ne permet pas toujours de sauver les dents, il permet toutefois de retarder l’échéance tout en autorisant la poursuite d’une vie sociale normale.

Un traitement a d’autant plus de chance de réussir qu’il est précoce, d’où l’importance des visites préventives qui feront déceler l’existence d’une parodontite débutante, bien avant que des symptômes n’apparaissent. Pour pérenniser les résultats, la maintenance à domicile et au cabinet est capitale.